World Association of News Publishers


Un journaliste marocain lauréat du prix Gebran Tueni

Language switcher

Un journaliste marocain lauréat du prix Gebran Tueni

Article ID:

12162

2011 laureate announced on 5th anniversary of the death of iconic Lebanese publisher Gebran Tueni

Le Prix Gebran Tueni 2010, prix annuel de l'association mondiale des journaux et des éditeurs de médias d'information (WAN-IFRA) qui récompense un rédacteur en chef ou un éditeur du monde arabe, a été décerné à Aboubakr Jamaï, co-fondateur et ancien directeur général du Journal Hebdomadaire, pionnier de la presse indépendante au Maroc.

Aboubakr Jamaï lors d'une conférence de presse en janvier 2010, annonçant la fermeture du Journal Hebdomadaire.

Ce prix souhaite honorer le combat constant d'Aboubakr Jamaï qui n'a jamais renoncé à publier des articles reflétant un des meilleurs journalismes indépendants de la région alors que la monarchie de son pays continue d'avoir la mainmise sur les médias marocains malgré toutes ses promesses de réforme. Ce prix décerné à Aboubakr Jamai a été annoncé dimanche, cinquième anniversaire du meurtre commis sur la personne de Gebran Tueni, éditeur libanais tué dans un attentat à la voiture piégée à Beyrouth en 2005.

Ce prix honore l'engagement d'un rédacteur en chef ou d'un éditeur pour la défense des valeurs incarnées par Gebran Tueni : attachement à la liberté de la presse, courage, sens du leadership, ambition, grande compétence managériale et professionnalisme de haut niveau.

« L'octroi de ce prestigieux prix est un hommage à tous les journalistes marocains qui pâtissent de la régression de leur espace d'expression au cours de ces dernières années », a déclaré Aboubakr Jamaï, chargé de cours sur l'Islam politique et les régimes politiques du Moyen-Orient à l'Université de San Diego aux États-Unis.

« Il est une belle récompense pour les sacrifices consentis par tous ceux qui ont contribué à faire du Journal Hebdomadaire, une publication qui est restée fidèle jusqu'à la fin aux nobles principes de notre profession. J'espère que ce prix attirera l'attention sur les attaques répétées contre la liberté de la presse au Maroc et, plus généralement, sur l'enlisement autocratique que subit notre pays. »

Le Journal Hebdomadaire, qui paraissait en langue française, était connu pour être une des principales voix critiques et tenaces de la presse marocaine. À la suite de la vague de libéralisation et démocratisation dans le pays, la publication avait cherché par sa liberté de ton et ses analyses caustiques à faire respecter les engagements pris par les autorités pour manifester une plus grande transparence et mettre fin à la corruption et aux abus des droits de l'homme.

Les articles de Aboubakr Jamaï avaient fait la lumière sur les entreprises et les affaires du roi Mohammed VI et remis en question les déclarations du gouvernement sur les progrès économiques du pays.

À la suite de l'indignation provoquée par les caricatures danoises du Prophète Mahomet, Le Journal Hebdomadaire avait publié un article spécial comprenant entre autres la photo d'un journal français qui avait reproduit quelques-unes des caricatures. Pour que Le Journal n'attise pas les passions déjà enflammées, les images avaient été floutées. Cela n'a pas empêché de fortes réactions contestataires aux portes mêmes des locaux du Journal. Selon de nombreuses personnes, ces manifestations n'avaient pas été organisées par des musulmans mécontents, mais orchestrées par les autorités marocaines.

Le 26 janvier, le tribunal de commerce de Casablanca ordonna la liquidation judiciaire de Trimédia, la société éditrice du Journal. Les huissiers entrèrent dans les locaux du magazine au moment le Journal bouclait sa dernière édition, saisissant les actifs et jetant littéralement le personnel à la rue.

Officiellement, la fermeture du Journal était due à une dette de 1,3 million d'euros en impôts et charges sociales ainsi que 270 000 d'euros de dommages et intérêts à la suite d'une plainte pour diffamation déposée par Claude Moniquet, président de l'ESISC (Centre européen de recherche, d'analyse et de conseil en matière stratégique) à Bruxelles. Le centre avait publié un rapport sur la situation controversée au Sahara occidental et Le Journal avait prétendu que ce rapport reflétait étroitement la position officielle du gouvernement marocain. En septembre 2009, la cour suprême marocaine confirmait la décision de justice condamnant le Journal à verser une amende et acculait ainsi la publication à la ruine.

Aboubakr Jamaï affirma à l'époque que Trimédia aurait pu payer ses dettes, « si les autorités n'avaient pas demandé régulièrement aux annonceurs de boycotter la publication ».

En remettant ce prix, la WAN-IFRA a déclaré : « La situation des médias au Maroc reflète un problème récurrent dans la région : les autorités s'engagent à soutenir une presse libre mais ne font pas suivre leurs promesses par des actions. Aboubakr Jamaï et ses collègues du Journal Hebdomadaire ont rempli un rôle de service public avec leur professionnalisme, leur dévouement pour un journalisme indépendant et le bien-fondé de leurs commentaires. Au lieu d'être félicités, ils ont été évincés. Nous espérons que ce prix attirera l'attention sur la situation au Maroc, motivera les courageux journalistes comme Aboubakr Jamaï à assurer une plus grande transparence et aidera à créer les conditions pour un développement durable. »

Gebran Tueni fut une personnalité exceptionnelle au sein de la WAN-IFRA pendant près de 20 ans, occupant un siège au comité pour la liberté de la presse, siégeant au conseil d'administration pendant plus d'une décennie, participant régulièrement à des missions en faveur de la liberté de la presse dans les zones sensibles du globe et apportant son aide et son soutien constants aux dirigeants de l'organisation pour toutes les questions liées au monde arabe et à la liberté de la presse. La WAN-IFRA et la famille Tueni ont créé ce prix pour encourager d'autres éditeurs, rédacteurs en chef et journaux courageux et indépendants dans le monde arabe.

 

 


 

La WAN-IFRA, basée à Paris en France et à Darmstadt en Allemagne, avec des filiales à Singapour, en Inde, Espagne, France et Suède, est l'Association Mondiale des Journaux et des Éditeurs de Médias d'Information. Elle représente plus de 18 000 publications, 15 000 sites Web et plus de 3 000 sociétés dans plus de 120 pays. L'association est issue de la fusion de l'Association Mondiale des Journaux et de l'IFRA, l'organisation mondiale de recherche et de services pour l'industrie de la presse.

Pour en savoir plus sur la WAN-IFRA, veuillez consulter le site http://www.wan-ifra.org ou lire le magazine de la WAN-IFRA à l'adresse http://www.ifra.net/microsites/wan-ifra-magazine

Pour toute question, veuillez vous adresser à : Larry Kilman, directeur de la communication et des affaires publiques, WAN-IFRA, 7 rue Geoffroy Saint-Hilaire, 75005 Paris France. Tél. : +33 1 47 42 85 00. Fax : +33 1 47 42 49 48. Mobile : +33 6 10 28 97 36. E-mail : larry.kilman@wan-ifra.org

Auteur

Andrew Heslop's picture

Andrew Heslop

Date

2011-02-24 19:30

Le Réseau de la Presse Arabe (APN) est un réseau électronique qui soutient le développement d'une presse indépendante plus forte dans le monde arabe en facilitant l'échange d'idées et d'expériences entre les directeurs de journaux, les rédacteurs, les journalistes et les défenseurs de la liberté d'expression. En savoir plus ...

Gebran Tueni fut pendant près de vingt ans une personnalité unique dans les activités de WAN-IFRA. Depuis sa mort en 2005, WAN-IFRA honore sa mémoire avec un prix destiné à encourager l'émergence d'autres éditeurs, rédacteurs en chef et journaux courageux et indépendants dans le monde arabe. En savoir plus ...